•     Ma tante et mon oncle, Angélina et Alban, ont quitté Bordeaux pour s'installer à Villefranche, un petit trois pièces au centre ville.

       En souvenir de mon séjour à Bordeaux, ma mère ne manquait pas, chaque fois que c'était possible, c'est à dire les jours de foire à Villefranche s'il n'y avait pas école, de m'envoyer les saluer en me faisant des tas de recommandations, politesse etc... Je ne risquais pas d'être impolie car j'étais extrêmement timide envers les gens que je ne connaissais pas, je ne me souvenais pas de mon séjour chez eux, lorsque j'étais petite.

       Ils m'impressionnaient, lui, à cause de sa jambe de bois et elle, elle avait une petite voix douce. Ils étaient très contents de ma visite, j'avais droit à quelques biscuits et ils m'ont invitée à passer quelques jours chez eux, pendant les vacances.

      C’était pour moi un grand évènement, je ne me souvenais pas avoir dormi ailleurs que chez moi, j’étais toute tremblante, et malgré les conseils de ma mère, je ne savais pas comment me tenir. Alors je restais sagement assise sur une chaise et je les observais. J’avais pour seul exemple de couple que mes parents: ma mère criait, mon père se taisait. Je ne savais pas qu’il existait d’autre mode de fonctionnement et j’en faisais l’expérience. Leurs deux personnalités étaient tellement imbriquées, qu’on aurait cru que les deux ne faisait qu’une seule personne. Ils ne se séparaient jamais, même pour un bref instant, allaient partout ensembles, faisait tout ensemble. Quant l’un balayait, l’autre    prenait la pelle, l’un épluchait les légumes, l’autre les lavait, ils faisaient le lit à deux, lessivaient à deux,.. tout... tout et tout le temps. Parfois ils n’étaient pas du même avis, mais ils ne se disputaient jamais; ils se faisaient ‘la tête’ c‘était sans doute plus élégant. Pour éviter de se parler, se faisaient des gestes; ça ne durait pas bien longtemps mais ça les prenaient souvent. Je ne m’apercevais de rien et je pensais que ça devait être çà ‘l’amour’. Assise sur ma chaise, je ne bougeais pas, ils s'inquiétaient un peu et me disaient: « -tu ne t’ennuies pas? ». Non, je ne m’ennuyais pas, j’étais comme au théâtre car en effet, leur vie était théâtrale. Le plus surprenant (pour moi) c’est qu’ils s’embrassaient tout le temps, des baisers partout, les mains, les bras, le visage, les lèvres...

     

     J’avais déjà vu quelques jeunes gens amoureux mais des gens de l’age de mes parents, j’étais effarée, stupéfaite, je ne trouve pas de mots adéquats. Je pensais, dans ma petite tête d’enfant, que ce devait être ça, l’idéal de l’amour.

       Aujourd’hui, avec le recul de mon age, je pense que cette expérience, si l’on peut dire, a influencé ma vie affective. Je l’ai longtemps attendu ce prince charmant qui m’aimerait à chaque instant! Mais... où était-il?.

       Je sais aujourd’hui que leur vie n’était pas si idyllique, ils étaient... comment dire... très névrosés, mais l’enfant que j’étais ne le savais pas.

       Dix ans plus tard, Angélina est décédée. Mon oncle, fou de douleurs, n’a pu se résoudre à rester seul, quelques mois plus tard, il a épousé une femme recrutée spécialement par petites annonces. Hélas, avec cette deuxième épouse, l’osmose n’a pas eu lieu et il est mort de chagrin un an après Angélina. Sa deuxième femme, qui ne s’intéressait qu’à sa pension de guerre, n’a même pas eu la délicatesse de le faire enterrer là où il avait prévu: près d’Angélina, et n’a pas non plus prévenu sa famille. 

       C’était une coutume, les tantes s’occupaient de leurs nièces, elles devaient leur apprendre ce que les jeunes filles doivent savoir, les mères n’osaient peut-être pas aborder certains sujets. A cet effet, je devais me rendre régulièrement chez tante Louise, sœur de ma mère. Celle-ci avait fait un ‘beau mariage’ c’est à dire que son époux avait une grosse ferme. A 1h30 à travers bois, j’arrivais à "Lacour", commune de Sauveterre. Ma cousine, prénommée Germaine, qui avait l'age de ma sœur, s'occupait de moi et je dormais dans sa chambre. Pour que je ne m'ennuie pas, elle invitait une petite voisine qui était naine. Au début, je lui parlais comme à un tout petit enfant mais elle m'a fait remarquer que nous avions le même age donc je pouvais lui parler normalement. C'était la première fois (mis à part mon oncle) que j'avais un contact avec une personne physiquement différente. Elle était assez cultivée et cette rencontre m'a été très bénéfique, j'en garde un excellent souvenir.

       J'ai eu une autre tante, Maria, qui n'avait pas d'enfant et à la fin de sa vie, elle a eu un cancer. Elle était veuve; ne voulant pas "finir à l'hôpital" elle est venue chez nous. Elle souffrait terriblement et délirait. Elle voyait des chats partout et elle me demandait de les chasser. Je ne comprenais pas que l'on puisse voir quelque chose qui n'existait pas. Pour une fois ma mère m'a bien expliqué et je me suis exécutée de bonne grâce; Je priais les chats imaginaires d'aller chasser les souris dans le grenier. Le docteur venait de temps en temps, lui faisait une injection de morphine, elle se calmait quelques heures. Elle est nous a quitté quatre mois plus tard, dans d'atroces souffrances. C'est là que j'ai compris que la mort pouvait être un soulagement.

    Un autre jour, à Lafageole,  j'étais seule à la maison et j'entends le bruit d'une auto. C'était tellement rare que je me précipite dehors.

    Je vois une quatre chevaux Renault s'arrêter dans le chemin, la même que ma voisine Adrienne mais en plus rutilante encore! Au volant, une très jeune fille et deux autres personnes plus âgées, je ne connaissais pas, vêtues, me semblait-il d'un grand chic!

    Je n'osais plus bouger, la dame plus âgée vient vers moi me dire bonjour et me dit:

     - Je suis ta tante Marie...

     Je savais qui elle était: c'était la plus jeune sœur de ma mère. J'en avais beaucoup entendu parler, elle vivait en Algérie. Mon frère André avait fait son service militaire tout près de chez eux, il avait eu la chance, par rapport aux autres soldats, d'être “dorloté” par la tante.

     Ma cousine Christiane devenue institutrice a travaillé toute sa carrière à Caen (Calvados) puis et à la retraite est revenue dans la région d'origine de son père: Pyrénées Orientales.

     Nous nous sommes longtemps demandé comment cette tante avait rencontré son époux qui vivait si loin de chez nous.

     C'est le 09 avril 2011 que j'ai trouvé la réponse.

     En effet c'est ce jour-là que nous avons fêté dans la joie et la bonne humeur les 100 ans de Marie à Sainte Marie La Mer (66).

     Réunion familiale au restaurant puis réception en grandes pompes (avec la presse locale) à la maison de retraite où elle réside, le maire nous a expliqué:

      Pour échapper aux travaux agricoles, Marie a rejoint Bordeaux pour être ‘‘bonne à tout faire’’ dans une famille bourgeoise de la viticulture qui l'a emmenée en Algérie pour garder leurs enfants. Et c'est là qu'elle rencontre le jeune et beau Julien, gardien de la paix, qui deviendra mon oncle.

     



     

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  •    Simon a été un petit garçon intrépide et casse cou, un " Mac Gayver"en herbe. Ma mère était désespérée d'avoir un enfant si turbulent, têtu et imperméable aux punitions. Il n'en faisait qu'à sa tête et sa tête fourmillait d'idées toujours plus originales. Quand il avait fait une bêtise, ma mère qui avait renoncé à le poursuivre, lui disait: « -t'a traparaï à là choupo! -je t'attraperais à la soupe ». Souvent elle oubliait mais parfois, à table, Simon recevait un coup de louche ou de tout autres objets. 

       Il avait inventé un jeu qui consistait à ''faire des sauts en parachute'', sans parachute il va de soi, : il grimpait sur une "codre" qui est une repousse de châtaigner. A 8 ou 10m de haut, l'arbre pliait et lorsque ses pieds étaient à 2m du sol, je devais dire: "lâches". Ainsi il sautait et faisant un roulé-boulé en dégringolant le talus. Un jour, j'en avais assez de ses ordres, j'ai dit "lâches" beaucoup trop tôt, il a pris une très grosse gamelle, il avait du mal à se relever; prise de peur, je me suis enfuie à la maison. 

       Il se gardait bien de se vanter de ses exploits. Un jour; mes parents étaient absents, il a pris le fusil de mon père et a décidé de faire un ball-trap. Munie d'une vieille bassine, perchée sur un tertre, je devais la jeter en l'air et Simon tirait dessus un ou deux coups selon comme elle était haute. Il va sans dire que je me trouvais en première ligne, mais le drame n'a jamais eu lieu. J'ai été chargée d'enterrer la bassine et les cartouches vides avant le retour des parents.

       Car, quand il s'ennuyait, j'étais son souffre douleur et sa domestique. Souvent, pour me punir, je devais chercher des petits cailloux bien ronds pour sa fronde; il allait jusqu'à me faire avaler un ver de terre et il ajoutait: « -Un ver de terre est un délice pour les jolies poulettes ». Quand il dépassait vraiment les bornes, je lui disais: « -Je vais dire à maman que tu m'as fais mal aux hanches! ».Le retour du mal aux hanches était une obsession pour elle, elle se mettait dans de furieuses colères et lui tapait dessus avec n'importe quoi. Mais j'évitais d'en abuser et en usais seulement dans les cas graves. Il inventait des chansons avec des paroles qui étaient censées me terrasser, l'une disait:  "-Tu n'es qu'un maillon de la chaîne  -Un moment de vie ou de mort  -Un moment ou je t'enterre et c'est fini...".    

      Il était passionné par la mécanique et chaque fois qu'il avait l'occasion de voir une auto de près, il harcelait le propriétaire de questions. Un jour, après avoir réuni un grand nombre d'objets et matériaux hétéroclites, il a décidé de construire -sa- voiture. Il y a passé plusieurs mois mais tout y était: pédales, volant, levier de vitesses, de freins, le rétro était fait avec un couvercle de boite de conserve cloué sur une tige en bois et, sous un sommaire capot, un enchevêtrement de fils de fer avec des bougies. C’était une camionnette ouverte derrière, je jouais à l’épicière, il était mon chauffeur, faisait un bruit de moteur sans oublier les changements de vitesses et le klaxon fait avec une vieille trompète. 

       Personne n’avait de pouvoir sur lui et cela a duré toute sa vie. Le grand-père le détestait à cause de ça, son autorité légendaire ne servait à rien.

       A quatorze ans, après le certificat d’étude primaire, il est parti travailler dans une grosse ferme du coté de Prayssac, un vigneron qui avait deux fils, n’a pas voulu le garder car il dévergondait trop ses enfants. De très nombreuses années plus tard, j’ai revu cette ferme, ferme devenue ‘château de la Grèze’. Les deux fils sont devenus riches, leur cru de vin de Cahors est très connu.

    Mon frère Jean, de dix-huit ans mon aîné, c’est marié jeune ce qui fait qu’à deux ans de demi j’étais déjà tante, puis tous les deux ans d’autres arrivaient. Ils venaient de temps en temps passer un dimanche à la maison, ma mère faisait souvent un gros poulet à la cocotte et la célèbre ‘‘anguille’’, c’était un gâteau aux pommes cuit en rond dans la tourtière sous la braise, copieusement arrosée de marc.

     J’aimais ces dimanches-là, au lieu d’être la petite sœur, je devenais la ‘‘grande’’, je surveillais ces petits et j’initiai Marie-Claude à mes jeux, à l’intérieur du gros buis, la cabane était naturelle. Simon ne s’intéressait pas à la marmaille, il préférait écouter les bavardages des adultes, ce qui m’arrangeait beaucoup.

     

     Un jour, mes neveux et moi étions réunis, sous la sapinette, tout près de la petite mare à canards, Marie-Claude tenait absolument à jouer au bord de l’eau, je ne voulais pas, c’était trop dangereux, les petits pourraient tomber dedans. Elle a tellement insisté que j’ai fini par accepter et ce qui devait arriver arriva: Georges tombe dans l’eau. Marie-Claude court vers la maison en appelant sa mère, pendant ce temps, j’entre dans la mare et sort mon neveu de l’eau, quand ma belle-sœur est arrivée, il était déjà sorti, Jojo en pleurs, dégoulinant d’eau boueuse. Sa mère a pris une grosse colère contre moi, probablement parce que j’étais la plus vieille, pour avoir joué trop près de l’eau et ainsi avoir pris des risques inutiles. Je lui en ai voulu très longtemps de cette immense injustice: je ne voulais pas jouer à cet endroit, de plus, j’ai rapidement sorti le petit de l’eau, il n’aurait jamais pu tout seul. Marie-Claude, que j’estimais responsable, s’en est sortie avec les honneurs pendant que j’étais bannie !

     

     Avec mon sauvetage non reconnu, ma gloire méprisée et piétinée, j’ai ruminé ma rancune contre ma belle-sœur qui, décidément ne comprenait rien, pendant bien des années.

    Ce n’est qu’à l’âge adulte que j’ai pu enfin lui pardonner…

     

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  •    Mon père, je l'ai beaucoup aimé, aujourd'hui encore, quand je pense à lui, c'est une bouffée de tendresse.

       Quand je suis née, il avait quarante sept ans, je l'ai donc connu "sur le tard", il était déjà malade: neurasthénique disaient les hommes de sciences, aujourd'hui les noms sont encore plus barbares, je vous épargne. A cette époque, Freud était déjà né, mais toutes ces maladies neurologiques ou mentales étaient très mal connues.

       Sa maladie se manifestait d'un seul coup: il s'arrêtait de travailler, disait qu'il avait besoin de se reposer un peu, ses traits se durcissaient, et il allait se coucher. Il restait couché 24heures sur 24 pendant des périodes variables, de une semaine à plusieurs mois. Il ne parlait plus de tout, ne répondait pas aux questions, il restait là, sans bouger, les yeux fixés au plafond, avec un visage crispé. Il se levait seulement pour faire les besoins et boire verre d'eau. Il ne prenait rien pour manger sauf si on lui apportait son assiette au lit.

       Puis un jour, sans que rien ne le laisse présager, il se levait et disait:"-M'ein boou cagua (je vais faire caca)". Ces simples mots, après un si long silence, étaient pour nous un immense soulagement. Il se toilettait, s'habillait et allait reprendre son travail comme s'il s'était agi d'une sieste d'une heure, son énergie et sa parole retrouvées.

       Quelque fois le docteur venait, l'auscultait longuement, mais ne lui trouvait rien; lui prescrivait un fortifiant. Un jour, il l'a envoyé dans un hôpital à Agen voir un spécialiste, ils l'ont gardé quelques semaines, fait ingurgiter des tas de pilules, ils lui ont même fait un "électro-choc", c'était une nouvelle méthode qui consistait à lui envoyer de l'électricité dans tout le corps. Méthode inutile et barbare qui a été abandonnée depuis. Puis après deux ou trois séjours ainsi, les médecins ont dit à ma mère qu'il n'y avait rien à faire et puisqu'il n'y avait aucun danger, ni pour lui, ni pour les autres, il fallait le garder à la maison. 

    Je ne sais pas quand cette maladie c’est manifestée à lui, je veux dire à quel âge. Peut-être vers les quarante ou  cinquante ans. 

    L’année de mes treize ans, ma mère a été opérée de la cataracte dans une clinique (remplie de religieuses) à Agen. A cette époque il fallait rester hospitalisé au moins deux semaines pour chaque intervention. Un jour mon père est parti de Lafageole pour lui rendre visite, le soir il n’est pas rentré. Le lendemain soir il n’est pas rentré non plus. J’étais très inquiète et bien sûr sans téléphone.  Le troisième jour, n’y tenant plus, je me lève à l’aube et après avoir nourri les bêtes, je prends ma bicyclette et je pars à Sauveterre la Lémance (sept kms)  pour prendre le train pour Agen. Nous connaissions une famille qui nous permettait de laisser notre bicyclette dans leur jardin.

     

    Arrivée à la gare d’Agen, il fallait encore marcher pour aller à la clinique. J’y étais allée plusieurs fois lorsque mon père avait été soigné à l’hôpital, je connaissais un petit peu la ville. A cet âge, j’avais une excellente mémoire…

     J’arrive dans le hall, je suis tout de suite interpelée par le personnel et on me dit:

     -        Ah!,  vous êtes Mlle G******, nous avons hospitalisé un homme, nous voudrions que vous nous disiez si vous le connaissez.

     -        Mais je ne suis pas d’Agen, je ne connais personne ici.

     -        Oh mais lui non plus n’est pas d’Agen.

     On m’emmène dans une chambre où il y avait sept à huit lits, on me montre un homme alité: c’était mon père. On me laisse à peine quelques minutes avec lui puis on m’emmène dans un bureau.    

      Et là, on me pose beaucoup de questions auxquelles je réponds du mieux que je peux. Puis on  m’explique qu’une religieuse de la clinique a remarqué cet homme sur le trottoir, à l’angle de la rue, il  est resté là debout, sans bouger pendant des heures jusqu’à ce qu’elle l’entraine à la clinique. J’explique alors la maladie de mon père et je dis que je vais le ramener à la maison.

     Puis on me dit :

     -        Vous savez, nos parents doivent de l’argent à la clinique, il faudrait nous payer.

     -        Ma mère vous paiera quand elle sera guérie…

     -        Mais vous avez combien sur vous?

     Je sors mon porte-monnaie qui n’était qu’un chiffon plié, je ne me souviens plus combien j’avais, pas grand-chose sans doute mais ces ‘‘salopards’’, excusez du terme, m’ont tout pris.

      Je rappelle que je n’avais que treize ans.

     J’ai passé la nuit dans un ‘‘fauteuil’’ dans la chambre où était ma mère. Le lendemain, ‘‘ils’’ avaient pris les renseignements à l’hôpital principal et on me priait de rentrer chez moi avec mon père. Je l’ai aidé à se vêtir et je l’ai entrainé en le tenant par le bras. Je ne me souviens plus si mon père avait de l’argent pour payer le train ou si nous avions sur nous les billets de retour, je me souviens seulement que nous avions très faim.

     Ma mère est rentrée quelques jours plus tard, Adrienne la voisine amie, est allée la chercher en auto.

     

       En dehors de ces périodes de grande détresse, c'était un homme plaisant, calme, ne grondant ses enfants que rarement et toujours à bon escient. Lors des repas avec des voisins, il racontait facilement des blagues et même poussait une petite chansonnette en occitan évidemment. L'une d'elle disait: 

                                                                            Al foun dèl coûta routsé 
                   Au fond de la côte rouge 
              Tsoul kachè del Talliur
                   Sous le chêne du Tailleur 
                   La paouro paouro pioto 
                  La pauvre pauvre dinde
          A forcho dès piota 
        A force de dinder  
          Nô la kamizo chalo 
                    Elle en a la chemise sale
          Ché la pourio fa laba
                         Elle pourrait se la faire laver
                La paouro paouro pioto
                  La pauvre pauvre dinde 
        O attrapa la bérolo 
                Elle a attrapé la vérole 
              En o lou coul plouma 
                Elle en a le cul plumé..

     

     

    Avec ce genre de propos, il déclenchait l'hilarité générale. 

       Il avait deux passions: la première, c'était de jouer aux quilles.

    L'été, ces jeux étaient organisés dans une châtaigneraie qui s'appelait "Laspérilles". Le dimanche après-midi, à bicyclette, (on ne disait pas vélo) avec ses trois quilles et une sorte de balle lourde dont j’ai oublié le nom, il partait rejoindre un groupe d’amis, et ne revenais qu’avec la nuit. De grands concours étaient organisés pour ce jeu, on ne peu plus simple: aligner trois quilles, les faire tomber avec la balle d’une certaine distance. L’ancêtre du bowling en quelque sorte. 

       Sa deuxième passion était les pendules. Ces bonnes vieilles pendules d’autrefois, avec le gros balancier, sonnaient à chaque quart d’heure un coup, deux coups à la demi, le nombre de coup à chaque heure.

       Il était très connu et on venait de loin le chercher quand une de ces pendules ne tenait plus l’heure. C’était ses dimanches d’hiver, il partait sur sa bicyclette faire la réparation en échange d’un peu d’amitié. Il demandait à la maîtresse de maison un grand plat blanc, il y mettait toutes les petites pièces dedans pour ne pas les perdre et bien les voir. A l’aide d’un vieux chiffon et de quelques plumes de canards huilées, il nettoyait minutieusement chaque pièces une à une avec une patience et dextérité infinie. C’est incroyable ce que peut contenir une pendule, tiges, ressorts, roues, écrous, boulons..., le tout étalé sur la grande table de la cuisine, les propriétaires étaient inquiets. Comment remettre-le tout à sa place?!. Mais il réussissait et le tic-tac reprenait, rassurant. Quelque fois, il lui restait bien une vis ou deux, mais il s’arrangeait pour faire croire que c’était fait exprès, il les rangeait dans une boite d’allumettes et les gardait précieusement, ça pouvait toujours servir.

       Pour ce qui est des réveils, plus modernes, petits et de moins bonnes qualités, c’était plus difficile, et ronchonnait dessus, il disait: « -tu peux mettre à la même heure un plein panier de réveils, le lendemain tu n’en trouveras pas deux qui soit d’accord ». 

       L’hiver, aux veillées, il lisait à haute voix tout ce qui lui tombait sous la mains, car il va de soi que nous n’achetions ni journaux ni revues.

    C’était souvent des livres que mon frère ou moi ramenions de l’école, ou bien des vieux journaux qui avaient servi d’emballage. Je me blottissais le plus près possible de lui et j’écoutais la chaleur de sa voix.

     Ma mère, toujours occupée à quelques raccommodages ou tricots, ne l’interrompait pas par respect pour le « savoir lire ». 

       Quelque fois, lorsqu’il n’y avait pas trop de travail, il allait chasser avec un vieux fusil à deux coups. Il n’était pas très adroit mais parfois, nous ajoutions à notre menu: perdrix, lapins, rarement un lièvre mais surtout des écureuils. Aujourd’hui les gens sont scandalisés par cette idée mais autrefois c’était l’habitude. Un écureuil rôti avec des pommes de terre, c’est très bon, avec un léger goût de résine. Il faisait comme disait Pagnol, jetait sa casquette pour qu’il revienne du bon coté. 

       L’été, il prenait le frais, assis dans l’herbe, toujours face à l’Ouest, là, il avait des pensées poétiques qu’il disait à voix haute; que je ne saurai retranscrire, qui parlait d’anges, d’étoiles, de nuages, d’oiseaux....

     Là, ma mère, beaucoup plus terre à terre, se moquait de lui et disait: « Arrêtes tes fadaises et dis-nous quel temps nous aurons demain ». Car en effet, il existe une science que connaissent tous les ‘gens de la terre’ qui permet de savoir le temps qu’il fera.

     



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  •     Mon père a hérité de la ferme de ses parents, son père était encore là quand je suis née. J'ai entendu dire beaucoup de mal sur lui: il était, parait-il, très autoritaire, voire agressif, il insultait tout le monde y compris ma mère car, comme elle se refusait à lui, il le lui faisait payer, disant même que Simon (né en juin 1945) avait été fait par les Allemands; Affirmation fausse, les envahisseurs étaient partis avant sa conception.

       C'était une injure grave. Sans aucun doute, il était difficile à vivre; mais quand je l’ai connu, il était vieux, faible, ne pouvant plus travailler (il était boiteux comme moi). J’ai un très bon souvenir de lui. Il est probable que son état a fait qu’il a reporté son affection sur moi.

       Quand mes parents partaient travailler aux champs, il me gardait; je le revois encore, me tenant par la main, faire et refaire le tour de la maison, attisant le feu, m’épluchant des pommes. Il me faisait des sifflets avec une branche de châtaigner, me prenait sur ses genoux et me parlait interminablement; sa voix et ses mains étaient douces et je l’aimais.  

    Un jour, dans la grange, assis sur une vieille caisse, il me dit: «-J’ai un secret à te dire». Il se leva, alla fermer la porte (pour empêcher une entrée intempestive de Simon) et me dit: «-Voilà le secret, c’est mes Louis d’Or», il alla derrière la grosse cuve à vin, et, avec son couteau enleva une pierre du mur, et là, dans un vieux bout chiffons, il y avait une dizaine de pièces dorées.

     

       A cet âge, le ne connaissais pas la valeur de l’or ni de la monnaie, mais j’ai compris la valeur du secret; et je n’en ai parlé que vingt années plus tard. Cet or n’a jamais été trouvé, ou bien celui qui l’a trouvé, n’en a jamais parlé.

       Il est mort j’avais cinq ans, je vois encore le corbillard s’enfoncer dans le sous-bois, tiré par deux beaux chevaux appartenant à monsieur le maire.

       Plus tard j’ai appris que, quand mon père a eu fini sa scolarité (douze ou treize ans), son père l’à placé comme domestique dans une ferme importante, et tous les mois, il allait chercher son salaire, lui laissant un peu d’argent seulement une fois par an, le jour de la fête au village. Jusqu’à sa majorité croyez-vous?! mais non, jusqu’à l’âge de vingt huit ans, c’est à dire son mariage. Et les enfants d’aujourd’hui sont scandalisés si les parents oublient le jour de l’argent de poche.



     

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  •     Du plus lointain de mes souvenirs, je n'ai jamais cru en Dieu. A mon sens, il n'existe que dans la pensée humaine. L'homme est si orgueilleux qu'il refuse de penser qu'il n'est qu'un grain de poussière dans l'univers, il se plait à penser qu'un être suprême veille sur lui, c'est tellement plus réconfortant. Je crois sincèrement que les croyants sont plus heureux que les autres. Croire! Est-ce la première condition pour accéder au bonheur?. 

       Quoi qu'il en soit, j'ai été baptisée, et à sept ans, après avoir appris à lire et à écrire, j'ai dû aller au catéchisme. Un vieux curé, il s'appelait Chêne, venait de temps en temps nous dispenser son enseignement, dire la messe du dimanche, et faire les sacrements.

      Je n'ai jamais fait l'école buissonnière, j'avais comme beaucoup d'enfants une grande soif de savoir; mais pour "l'église buissonnière" j'étais une championne. C'était tellement plus intéressant de courir après les papillons ou de grimper dans les arbres du verger du voisin pour déguster quelques fruits. Mais je ne pouvais pas toujours y échapper, j'ai dû apprendre les prières par cœur à coup de gifles et de punitions. 

      A cette époque, il était hors de question de se plaindre aux parents sous peine d'en recevoir le double, car ils estimaient que si on était puni c'est qu'on le méritait largement, que ce soit un instituteur, un curé ou même un voisin. Contrairement à aujourd'hui, tous les adultes participaient à l'éducation de tous les enfants. Alors on "encaissait" et on se gardait bien de le dire. 

      Notre vieux curé avait plusieurs paroisse à s'occuper, aussi il déléguait une partie de sa fonction à une femme qui s'occupait de nettoyer l'église et de la fleurir. Elle était mariée; mère de famille, elle faisait faire les devoirs que nous donnait le curé et vérifiait si nous lisions bien les textes. En dehors de cette fonction, elle s'intéressait beaucoup à la vertu des jeunes filles, (un homme s'occupait des garçons en les jouer au foot) elle, comment une jeune fille devait se comporter, ne pas traîner avec les garçons, bien obéir aux parents, être à l'heure à la messe et aussi des conseils vestimentaires, accorder les couleurs, coiffures etc. etc. L'idée en soit était excellente.   

    Puis un jour toutes mes bonnes résolutions s'écroulèrent en un instant. Une élève de ma classe était absente, le téléphone n'était pas encore arrivé dans ce coin, le maître me demande d'aller chez elle voir si elle était malade. C'était au printemps, il faisait beau. Au lieu de prendre la route, je décidais de couper au plus court, je fis donc le tour de l'église sur la pelouse qui servait de terrain de sport, et là, passant devant le presbytère, une fenêtre était ouverte, j'entendis des sons qui me semblèrent humains. Je m'avançais doucement et regardant par la fenêtre, je vis, à ma grande stupéfaction, la dame de l'église en très petite tenue, s'activer avec un monsieur dans la même tenue. Je savais ce que c'était, à la campagne on voit régulièrement les animaux dans cette activité, mais ce qui me cloua sur place, c'est que le monsieur n'était pas son mari. 

       D'un coup, toute confiance dans les adultes s'écroulait. A partir de ce jour, j'ai haïs toute personne qui fréquentait l'église ou qui prêchait la bonne parole; il me semblait que le sommet de l'hypocrisie était atteint. Il m'a fallu longtemps à l'age adulte, pour réviser mon jugement. Quoique je pense encore que les donneurs de conseils feraient mieux de se regarder et que les plus grands prêcheurs ne prêchent que pour se convaincre eux-mêmes. 

     

       En attendant, je décidais de ne plus assister à ses cours, il me semblait que je ne pourrais plus la regarder en face sans lui crier sa trahison à la figure. Punitions, gifles, menaces de toutes sortes, rien n'y faisait. J'étais et suis restée une révoltée. 

       Pour limiter les dégâts, j'assistais aux cours du curé Chêne, et j'apprenais mes leçons seule. Il comprit qu'il s'était passé quelque chose mais jamais, même en confession, et surtout pas en confession, je ne l'ai raconté. A contre cœur, j'ai reçu tous les sacrements: communion privée, confirmation, communion solennelle et plus tard, renouvellement de la communion. Et oui! tout ça. 

       Il y avait aussi les vêpres, elles avaient lieu une ou deux fois par an, c'était une longue messe qui se faisait le dimanche après-midi, elles étaient suivies d'une "procession" qui consistait à sortir un saint de l'église, de faire un certain circuit, s'arrêter devant les monuments, faire quelques prières, puis retourner à l'église, le tout durait 3 à 4 heures.  

       Vous avez sûrement remarqué, à la campagne, à l'intersection de petites routes, des petits monuments en pierres ou en ciment, surmontés d'une croix avec un Christ ou une Vierge. Ces monuments étaient en permanence entretenus, nettoyés et fleuris. Dans certain pays, il le sont encore: Portugal, Autriche...  

     

       Bien des années plus tard, Quand j'ai eu mes enfants, leur père souhaitait les faire baptiser pour disait-il, la tradition.   J'ai refusé. Une foule de souvenirs est remontée à la surface. Impossible de revivre à travers mes enfants des événements qui ont été très douloureux, car en contradiction avec ma pensée profonde.   



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  •    A l'age de six ans, il a fallu prendre le chemin de l'école. Quatre km en prenant les sentiers à travers champs, six km par la route. Au début le chemin était bien long, Simon, en grand frère responsable n'hésitait pas à me tirer par les bras, mais très vite sur le parcours je rencontrais mes nouveaux amis, enfin ceux de Simon car cette année là, il n'y avait pas d'autres enfants de six ans, au Poujet.

      J'étais très timide mais les filles F......., beaucoup plus délurées, m'entraînaient dans leurs jeux. Jouer avec des filles, c’était nouveau pour moi. Chez F........ il y avait huit enfants dont quatre filles; les aînés étaient partis, je n’ai connu que René, Jeannette, Rosette et Laurette.

     Laurette, deux ans de plus que moi, je l'a retrouvée de nombreuses années plus tard. Elle était très populaire et ne manquait pas d’imagination pour faire toutes les bêtises possibles.

       Rosette, un an de plus que Laurette, a épousé un voisin, Raymond L..........., de treize ans son aîné. Elle se sentait supérieure, elle ne nous parlait plus. Jeannette s’intéressait à tous les garçons, jouait à tous les jeux, n’avait peur de rien; Elle sifflait comme un rossignol, on savait ainsi où elle se trouvait. Tous les garçons s’occupaient d’elle mais elle était très futée et les faisait « tourner en bourriques » 

      Simon allait faire des concours de fronde ou autre, avec ses copains, moi, j’allais chez F......... Le matin je me dépêchais et maintes fois j’ai assisté au rituel du petit déjeuner du père F.......... Il s’asseyait en bout de table, il ne fallait plus faire de bruit, sa femme lui servait un verre à vin plein d’eau de vie de prune, appelée la goutte, faite maison, une tranche de pain qu’il découpait soigneusement en bâtonnets, il les trempait un à un dans son verre et les dégustait avec un plaisir évident. Mon père faisait la même chose avec vin à huit° et encore il ajoutait de l’eau et du sucre; ça s’appelait la « tsaoutsollo ». Chacun sait qu’à cette époque, les paysans avaient le droit de faire leur eau de vie, elle était beaucoup plus forte que les alcools actuellement autorisés.
     La dernière goutte achevée, père F......... claquait son opinel et partait travailler. J’étais perplexe, je m’attendais à ce qu’il tombe, mais non, il sortait droit comme un I.
     
    A diverses occasions j’avais vu des hommes qui, après quelques petits verres de gouttes, marchaient de travers et s’écroulaient dans les fossés. Mais Mr F......... buvait comme un trou et n’était jamais ivre.

     Il n’empêche qu’il a été le premier de tous les hameaux environnants à acheter un énorme appareil qui s’appelait TÉLÉVISION.
     D’un seul coup, tout le voisinage avait un irrésistible besoin de passer le saluer. Moi la première, j’étais immensément fière d’avoir une amie qui avait la télévision. C’était en 1959. 

      Chez moi, il y avait un poste de radio appelé TSF avec un immense ressort servant d’antenne, il tenait toute la longueur de la cuisine.
       Mes parents écoutaient les informations et, le soir, il y avait une petite émission de variété nommée et présentée par « La Catinou et le Jacquouti », ma mère riait des jeux de mots et mon père entonnait les chansons. C’était tout ce que je savais comme chansons car ils éteignaient bien vite pour « ne pas brûler de l’électricité » inutilement.

     Aussi Laurette s’est fait un devoir de m’instruire sur les chansons à la mode et dans le pré, derrière les écuries, elle m’a appris à danser.
     Ce n’était pas si simple: ayant appris à marcher très tard, je n’étais pas très dégourdie des jambes... elle s’énervait et disait: «-tu es pire qu’un sac de patates! . Enfin, peu à peu, le sac de patates à fait quelques progrès. Et j’ai bien profité de ses leçons, car pendant quelques années, avec Simon, nous avons fréquenté les bals des environs, je n’étais pas la dernière sur la piste... twist, tchatcha, passo, valse, et autres. 

      A l'école, régnait une grande discipline. L'instituteur, Mr Coste était seul pour jusqu'à cinquante deux élèves avec toutes les classes de primaire plus trois classes de fin d'études pour les élèves de douze à quatorze ans; Quatorze ans était l'age minimum obligatoire. Ainsi, avec cinquante deux élèves répartis en huit classes, Mr Coste avait un travail énorme et pour préparer et corriger le tout, il devait travailler beaucoup plus de quarante heures par semaine.

     Il se faisait assister de sa femme pour surveiller les récréations, car très consciencieux, il profitait des récrés pour aider quelques élèves qui n'avaient pas bien compris ou surveiller ceux qui étaient punis. Car pour tenir tout ce petit monde, il était très sévère. Pleuvaient toutes sortes de punitions: -derrière le tableau -à genou derrière le tableau -les mains levées derrière le tableau... toutes sortes d'exercices suivant la faiblesse de l'élève, mais surtout des lignes: cinquante, cent, cinq cent et même mille lignes: oui, oui, je dis bien mille lignes. Il faut presque l'année pour finir une telle punition. C'était très rare mais il ne cédait pas et chaque semaine il fallait faire signer par les parents et par lui-même. Quelque fois, il annulait la fin mais pas avant d'avoir fait 70 ou 80% du travail. Pour ma part, ma plus grande punition a été: A toujours, je mettrais toujours un s. cinq cent fois. De toute ma vie, à toujours j'ai toujours mis un s.  Il arrivait que les punitions soient injustes. Un jour il expliquait la chlorophylle et a demandé: « connaissez-vous des végétaux qui ne soient pas verts? » J'ai répondu: « oui! Chez moi il y a un arbre qui a les feuilles marron». Toute la classe c'est moquée de moi et j'ai reçu une grande punition car je ne connaissais pas le mot POURPRE, j'aurais dû dire: « il y a un noisetier pourpre. »   

     

    Chaque année, il présentait des candidats au certificat d’études primaires, il se faisait un honneur de n’avoir que très très peu de recalés. Pour ce faire, de Pâques à juin les candidats avaient droit à un traitement de faveur: Deux heures de plus chaque soir et parfois revenir le jeudi matin: Réviser, réviser encore.

     

     Et ce n’était pas tout! Dans le programme, la traditionnelle « leçon de morale » tous les matins, mais aussi mécanique pour les garçons et couture pour les filles. C’était sa femme qui se chargeait des filles la dernière heure du samedi. Pour l’examen, je me souviens du sujet de couture: « Faire un ourlet de 1,5 cm au point de coté sur un échantillon de 7 cm ». Calcul, histoire, géographie, orthographe, dictée + questions, sciences (nommées plus tard biologie), rédaction et lecture: lire à haute voix devant trois inspecteurs inconnus, ce n’était pas si facile. Dictée; 7 fautes éliminatoires, j’ai fais 5fautes donc zéro mais les 20 sur 20 en calcul ont remonté ma moyenne.

      De six à treize ans et demi, je n’ai connu qu’un seul instituteur, un bien brave homme. Un jour, il nous a invités à venir à l’école à 8h15 pour assister à une éclipse totale du soleil. Il nous avait préparé des morceaux de verres fumés sur une bougie et nous avons pu admirer ce phénomène exceptionnel avec un cours magistral. 
      C’est pendant les récréations que j’ai appris la cruauté des enfants; j’ai été tour à tour victime et bourreau.  Un jour, Simon et moi, sommes allés à Gadet, chercher du pain chez le boulanger Soulié. En passant devant chez Carmeilles, nous avons vu François et Simon, deux frères; nous nous sommes arrêtés un moment pour bavarder avec eux. Leur mère, qui était une brave femme, leur a crié: « Tatou, Momon, vous pouvez inviter Simon et Jeanne a boire une orangeade! ». Alléchés par l’orangeade, nous nous sommes approchés en pouffant. Et pendant toute une année, nous les avons harcelés avec des « Tatou et Momon » en permanence, il ne faisait pas bon avoir des diminutifs. Tatou est devenu le facteur de Loubéjac pendant de très longues années, aujourd’hui retraité.

     

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  •    Lorsque j'étais bébé, ma mère s'est aperçue (l'expérience l'aidant) que je ne tenais pas mes jambes normalement. Le Moment de marcher venu, je ne tenais pas debout, il était donc clair que j'avais un grave problème, comme mon grand-père, une luxation congénitale des hanches. Ils ont décidé de me faire soigner à Bordeaux par un grand spécialiste. Aidés de mon frère André, ils se sont donc "saignés aux quatre veines". J'ignore s'ils étaient assurés sociaux à l'époque mais çà leur a coûté très cher.

      Par chance ma mère avait un frère Alban T......, pensionné de la guerre de 14/18, il n’avait qu’une jambe, mais pouvais se déplacer grâce à une prothèse en bois. Il habitait Bordeaux avec son épouse Angélina.

    Mes parents pouvaient donc loger chez eux et ma tante qui n’avait pas d’enfants s’est attachée à moi, venait à l’hôpital et écrivait à mes parents pour donner des nouvelles, car mes parents ne pouvaient pas rester absents longtemps, la ferme les réclamait. Je suis restée de longs mois à l’hôpital, les jambes fixées dans une atèle. Je ne me souviens de rien. 

      Mes premiers souvenirs, j’avais environ trois ans, je marchais et je devais faire de l’exercice. Mon grand-père et André m’ont installé un petit vélo sur un socle en bois et une demi-heure matin et soir, je pédalais dans la cuisine, la roue arrière tournait dans le vide, ça m’amusait beaucoup, j’étais le point de mire de la famille. Mais la marche me faisait souffrir et je me souviens de Simone qui avait dix ans de plus que moi, je la harcelais en lui disant « Hope! Nana » et elle me prenait sur sa hanche.

       Le temps a passé, ma sœur s’est mariée à l’age de quinze ans et demi, Mon grand-père nous a quitté à la même époque. Très tôt, j’ai été passionnée par les animaux, je passais de longues heures à les observer, je leur donnais des noms et leur parlais en grand secret car Simon ne manquait pas de se moquer de moi. Je voulais assister aux naissances et m’occupais des poussins, poulets ou canards, et plus tard les brebis.

     J’ai eu une vraie passion pour les brebis, elles répondaient toutes à leur nom, j’avais toujours les poches pleines de pain et distribuais les récompenses avec une caresse. J’apprivoisais facilement les agneaux femelles, celles qui devaient rester pour renouveler le cheptel, je laissais les mâles a leur triste sort, direction les abattoirs. Avec des « brrrr » et des « bèno-bèno-bèno » je partais par les sentiers, les bois, les champs ou les prairies selon la saison, quelquefois accompagnée de l’âne, il s’appelait Bourguiba. J’avais dressé une petite chienne à faire le tour du troupeau pour les regrouper.

    Il y avait bien une chienne, qui s’appelait ‘‘La Papie’’, très bien dressée mais elle n’obéissait qu’à ma mère. Aussi un jour elle me dit de garder un petit, de m’en occuper seule pour enfin la dresser. C’est La Papie qui m’a appris ce qu’est la fidélité. Chez des voisins il y avait un chien ‘‘Le Bichou’’ qui nous rendait visite régulièrement pour connaitre d’était de sa compagne. Si elle était en chaleur, il l’entraînait  à l’écart pendant le temps nécessaire. Bien sûr,  d’autres chiens venaient tenter leur chance mais ils étaient invariablement rossés, d’abord par La Papie et ensuite pas Le Bichou : elle n’acceptait que lui. Elle a vécu très longtemps, à la fin de sa vie, elle avait creusé une niche dans un grand tas de paille, ma mère lui apportait à manger puis un jour elle a disparu, nous n’avons jamais su où elle est allée mourir.   

      Je ne me sentais jamais seule, tous les animaux étaient mes amis et je nous inventais des histoires.

      L’été on les sortait matin et soir mais l’hiver, une seule fois par jour avec du foin en plus dans l’étable. Quand il y avait de la neige, je les emmenais dans un sous-bois, je grimpais aux arbres couverts de lierres et cassais de grandes branches d’un vert sombre.

      L’hiver donc, je ne pouvais m’en occuper que les jeudis et les dimanches car le chemin de l’école étaient bien long, je partais à la pointe du jour et revenais presque à la nuit. 

    J’ai assez peu de souvenir de ma petite enfance, sauf que j’avais une poupée qui s’appelait Marie-Jeanne. C’est moi qui l’avais nommée ainsi: Marie comme ma mère, Jeanne comme moi, intéressant en psychanalyse, je n’y pense qu’aujourd’hui. Un jour d’hiver, je jouais dans le cantou et ma poupée m’a échappé dans le feu avec un grand « flouf » ma sœur était là, elle m’a empêchée d’entrer dans les flammes pour aller la chercher. J’étais inconsolable, j’ai pleuré des jours et des jours si bien que Simone est allée à Villefranche pour en acheter une autre, c’était très gentil mais ce n’était pas Marie-Jeanne. Plus tard, André faisait son service militaire en Algérie, lors d’une permission, il m’a apporté un joli poupon tout nu, j’ai pleuré tout de suite, je ne voulais pas qu’il soit tout nu, il a fallu lui faire une tenue et ma mère en a profité pour me faire admettre que je devais apprendre à tricoter pour le vêtir. C’est ce que j’ai fais, il a eu un beau costume bleu.

      J’ai donc eu de la chance d’avoir eu ces jouets. Pourtant à chaque Noël, j’espérais que le père Noël m’apporterait quelque chose, on me disait qu’il fallait être sage et bien apprendre à l’école. Je faisais de mon mieux  mais il n’apportait qu’un kg d’oranges à partager avec mon frère et parfois un sachet de 100g de crottes en chocolat.

      Début janvier, le maître nous demandait de raconter notre Noël et nos cadeaux. J’écoutais les enfants et je bavais de jalousie. Des cancres avaient de si beaux cadeaux! Quelle injustice! . Alors j’inventais les cadeaux et la famille idéale. Jusqu’au jour où, (j’étais très grande) .dans l’armoire de ma mère, j’ai trouvé le kg d’oranges qui attendait Noël. Ainsi le père Noël n’existait pas! C’était la bourse des parents qui faisait la qualité et la quantité des cadeaux. J’étais soulagée mais je trouvais stupide de mentir aux enfants, car comme tous les enfants, je croyais être la seule à bien mentir.

     



     

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  •     Ma grand-mère paternelle est née Veissie. Les Veissie étaient, il y a deux siècles, des bourgeois, des notables donc, marchands de draps, ils avaient beaucoup de terres et des métayers. Les deux premiers maires de la commune de Loubéjac ont étés des Veissie, ils étaient à cette époque nommés par le préfet (ou l'équivalent). Vers 1860 eurent lieu les premières élections, ils n'ont pas été reconduis dans leur fonction (révolution oblige), les paysans préférant voter pour l'un des leurs. A la même époque, un Veissie a épousé une fille mère, un grand scandale, ainsi la famille commença à péricliter, les obligeant à vendre peu à peu des terres. Si bien que ma grand-mère a été placée comme domestique dans une ferme de Biars, près de Villeneuve sur Lot. Dans cette ferme travaillait un beau jeune homme, Noël G......, et le mariage eu lieu en 1897. On donna pour dot à ma grand-mère: La-fageole sur dix hectares environs. 

       C'était une ancienne carrière de pierres, il y a, parait-il de nombreuses galeries en sous-sol. Une petite bâtisse servait d'abri aux ouvriers. Le couple s'y est installé, le grand-père a agrandi peu à peu la maison, a construit une grange puis des dépendances pour abriter les animaux, a planté de la vigne, des arbres, a défriché des terres et ainsi la ferme est née. Deux enfants aussi sont nés: Valérie en 1898 ma tante, et Alban en 1901 mon père. 

       De la famille de ma mère, née à Besse (canton de Villefranche), je ne sais pas grand chose sinon que mon grand-père Jean T...... était ouvrier maçon, communiste et très pauvre; si pauvre qu'il ne pouvait pas nourrir ses neufs enfants, il les a placés comme domestiques dans les fermes à l'age de six ou huit ans, c'est comme ça que ma mère n'est jamais allée à l'école, elle était analphabète. 

       Son père lui avait appris à écrire son nom, mais n'a jamais su écrire le nom de son mari. C'était lui qui écrivait et signait à sa place et quand il était absent les enfants signaient pour elle. J'ai maintes fois signé des mandats car il n'y avait pas de compte en banque et certaine vente était payée plus tard par exemple le tabac, la résine.   

       Je ne sais hélas rien d'autre sur mes ancêtres sauf que dans le Lot et Garonne il y a un grand nombre de G...... qui nous seraient apparentés.

    A Fumel, il y a une dizaines d'années, mon frère Jean a fait un immense pique-nique dans son champs et a invité tous les G...... du département.

    Ils étaient plus d'une centaine.

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