• 06 Le grand-père

        Mon père a hérité de la ferme de ses parents, son père était encore là quand je suis née. J'ai entendu dire beaucoup de mal sur lui: il était, parait-il, très autoritaire, voire agressif, il insultait tout le monde y compris ma mère car, comme elle se refusait à lui, il le lui faisait payer, disant même que Simon (né en juin 1945) avait été fait par les Allemands; Affirmation fausse, les envahisseurs étaient partis avant sa conception.

       C'était une injure grave. Sans aucun doute, il était difficile à vivre; mais quand je l’ai connu, il était vieux, faible, ne pouvant plus travailler (il était boiteux comme moi). J’ai un très bon souvenir de lui. Il est probable que son état a fait qu’il a reporté son affection sur moi.

       Quand mes parents partaient travailler aux champs, il me gardait; je le revois encore, me tenant par la main, faire et refaire le tour de la maison, attisant le feu, m’épluchant des pommes. Il me faisait des sifflets avec une branche de châtaigner, me prenait sur ses genoux et me parlait interminablement; sa voix et ses mains étaient douces et je l’aimais.  

    Un jour, dans la grange, assis sur une vieille caisse, il me dit: «-J’ai un secret à te dire». Il se leva, alla fermer la porte (pour empêcher une entrée intempestive de Simon) et me dit: «-Voilà le secret, c’est mes Louis d’Or», il alla derrière la grosse cuve à vin, et, avec son couteau enleva une pierre du mur, et là, dans un vieux bout chiffons, il y avait une dizaine de pièces dorées.

     

       A cet âge, le ne connaissais pas la valeur de l’or ni de la monnaie, mais j’ai compris la valeur du secret; et je n’en ai parlé que vingt années plus tard. Cet or n’a jamais été trouvé, ou bien celui qui l’a trouvé, n’en a jamais parlé.

       Il est mort j’avais cinq ans, je vois encore le corbillard s’enfoncer dans le sous-bois, tiré par deux beaux chevaux appartenant à monsieur le maire.

       Plus tard j’ai appris que, quand mon père a eu fini sa scolarité (douze ou treize ans), son père l’à placé comme domestique dans une ferme importante, et tous les mois, il allait chercher son salaire, lui laissant un peu d’argent seulement une fois par an, le jour de la fête au village. Jusqu’à sa majorité croyez-vous?! mais non, jusqu’à l’âge de vingt huit ans, c’est à dire son mariage. Et les enfants d’aujourd’hui sont scandalisés si les parents oublient le jour de l’argent de poche.



     

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  • Commentaires

    3
    Lundi 19 Octobre 2009 à 15:47
    Bonjour Jeanne,
    Les temps ont changé, la jeunesse d'aujourd'hui n'est plus celle d'avant où il y avait beaucoup plus de rigueur et de sévérité.
    Bonne fin de journée
    Bises
    2
    Lundi 21 Septembre 2009 à 16:52
    Vous étiez une bien mignonne petite fille.
    1
    Dimanche 20 Septembre 2009 à 11:58
    Le fait de donner son salaire à ses parents entre 14 et, parfois le mariage, était courant à la campagne, jusque dans les années 70. Certaines de mes anciennes camarades de classe, sorties de l'école à 14 ans, m'ont dit avoir dû donner leur argent à leurs parents jusqu'à 25 ans. Mais il est vrai que la plupart des familles dans notre région comptaient 8 ou 10 enfants, voire davantage (jusqu'à 21 !). Les aînés aidaient ainsi à élever les plus jeunes et ces derniers peut-être à prévoir les vieux jours de leurs parents...
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