• 05 La dame de l'église

        Du plus lointain de mes souvenirs, je n'ai jamais cru en Dieu. A mon sens, il n'existe que dans la pensée humaine. L'homme est si orgueilleux qu'il refuse de penser qu'il n'est qu'un grain de poussière dans l'univers, il se plait à penser qu'un être suprême veille sur lui, c'est tellement plus réconfortant. Je crois sincèrement que les croyants sont plus heureux que les autres. Croire! Est-ce la première condition pour accéder au bonheur?. 

       Quoi qu'il en soit, j'ai été baptisée, et à sept ans, après avoir appris à lire et à écrire, j'ai dû aller au catéchisme. Un vieux curé, il s'appelait Chêne, venait de temps en temps nous dispenser son enseignement, dire la messe du dimanche, et faire les sacrements.

      Je n'ai jamais fait l'école buissonnière, j'avais comme beaucoup d'enfants une grande soif de savoir; mais pour "l'église buissonnière" j'étais une championne. C'était tellement plus intéressant de courir après les papillons ou de grimper dans les arbres du verger du voisin pour déguster quelques fruits. Mais je ne pouvais pas toujours y échapper, j'ai dû apprendre les prières par cœur à coup de gifles et de punitions. 

      A cette époque, il était hors de question de se plaindre aux parents sous peine d'en recevoir le double, car ils estimaient que si on était puni c'est qu'on le méritait largement, que ce soit un instituteur, un curé ou même un voisin. Contrairement à aujourd'hui, tous les adultes participaient à l'éducation de tous les enfants. Alors on "encaissait" et on se gardait bien de le dire. 

      Notre vieux curé avait plusieurs paroisse à s'occuper, aussi il déléguait une partie de sa fonction à une femme qui s'occupait de nettoyer l'église et de la fleurir. Elle était mariée; mère de famille, elle faisait faire les devoirs que nous donnait le curé et vérifiait si nous lisions bien les textes. En dehors de cette fonction, elle s'intéressait beaucoup à la vertu des jeunes filles, (un homme s'occupait des garçons en les jouer au foot) elle, comment une jeune fille devait se comporter, ne pas traîner avec les garçons, bien obéir aux parents, être à l'heure à la messe et aussi des conseils vestimentaires, accorder les couleurs, coiffures etc. etc. L'idée en soit était excellente.   

    Puis un jour toutes mes bonnes résolutions s'écroulèrent en un instant. Une élève de ma classe était absente, le téléphone n'était pas encore arrivé dans ce coin, le maître me demande d'aller chez elle voir si elle était malade. C'était au printemps, il faisait beau. Au lieu de prendre la route, je décidais de couper au plus court, je fis donc le tour de l'église sur la pelouse qui servait de terrain de sport, et là, passant devant le presbytère, une fenêtre était ouverte, j'entendis des sons qui me semblèrent humains. Je m'avançais doucement et regardant par la fenêtre, je vis, à ma grande stupéfaction, la dame de l'église en très petite tenue, s'activer avec un monsieur dans la même tenue. Je savais ce que c'était, à la campagne on voit régulièrement les animaux dans cette activité, mais ce qui me cloua sur place, c'est que le monsieur n'était pas son mari. 

       D'un coup, toute confiance dans les adultes s'écroulait. A partir de ce jour, j'ai haïs toute personne qui fréquentait l'église ou qui prêchait la bonne parole; il me semblait que le sommet de l'hypocrisie était atteint. Il m'a fallu longtemps à l'age adulte, pour réviser mon jugement. Quoique je pense encore que les donneurs de conseils feraient mieux de se regarder et que les plus grands prêcheurs ne prêchent que pour se convaincre eux-mêmes. 

     

       En attendant, je décidais de ne plus assister à ses cours, il me semblait que je ne pourrais plus la regarder en face sans lui crier sa trahison à la figure. Punitions, gifles, menaces de toutes sortes, rien n'y faisait. J'étais et suis restée une révoltée. 

       Pour limiter les dégâts, j'assistais aux cours du curé Chêne, et j'apprenais mes leçons seule. Il comprit qu'il s'était passé quelque chose mais jamais, même en confession, et surtout pas en confession, je ne l'ai raconté. A contre cœur, j'ai reçu tous les sacrements: communion privée, confirmation, communion solennelle et plus tard, renouvellement de la communion. Et oui! tout ça. 

       Il y avait aussi les vêpres, elles avaient lieu une ou deux fois par an, c'était une longue messe qui se faisait le dimanche après-midi, elles étaient suivies d'une "procession" qui consistait à sortir un saint de l'église, de faire un certain circuit, s'arrêter devant les monuments, faire quelques prières, puis retourner à l'église, le tout durait 3 à 4 heures.  

       Vous avez sûrement remarqué, à la campagne, à l'intersection de petites routes, des petits monuments en pierres ou en ciment, surmontés d'une croix avec un Christ ou une Vierge. Ces monuments étaient en permanence entretenus, nettoyés et fleuris. Dans certain pays, il le sont encore: Portugal, Autriche...  

     

       Bien des années plus tard, Quand j'ai eu mes enfants, leur père souhaitait les faire baptiser pour disait-il, la tradition.   J'ai refusé. Une foule de souvenirs est remontée à la surface. Impossible de revivre à travers mes enfants des événements qui ont été très douloureux, car en contradiction avec ma pensée profonde.   



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  • Commentaires

    3
    Jeudi 21 Novembre 2013 à 11:54

    << Pour limiter les dégâts, j'assistais aux cours du curé Chêne, et j'apprenais mes leçons seule. Il comprit qu'il s'était passé quelque chose mais jamais, même en confession, et surtout pas en confession, je ne l'ai raconté.>>

    Vous n'étiez pas concernée pour en parler en confession !

    Mais il aurait été bon pour vous, il me semble, d'en parler à une "grande personne", le curé en dehors de la confession ou un autre ?

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    2
    Mercredi 14 Octobre 2009 à 16:08
    Ah! tu crois?
    Je pense que l'adultère à toujours existé.
    Malgrès que je soit née dans "la campagne profonde" j'y ai vu pas mal de choses même si sur le moment je n'avais pas compris.
    1
    Mercredi 14 Octobre 2009 à 15:49
    Bonjour Jeanne,
    Tout d'abord j'espère que tu vas bien ?
    La période du catéchisme, on l'a tous vécu plus ou moins bien.
    Pour moi, je peux dire que c'était une belle époque.
    La dame de l'église, surtout qu'à l'époque tromper son mari n'était pas monnaie courante...
    Nous employons souvent l'expression "les conseillers ne sont pas les payeurs".
    Je te laisse pour aujourd'hui.
    Bonne fin de journée
    Bises
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