• Le poussin rose (2)

     (Deuxième partie)

       Deux véhicules arrivent sur les chapeaux de roues, ils stoppent, un devant un derrière, une flopée de policier entoure ma Clio. Cette fois Poussin rose réagit, elle escalade les sièges et se blottie contre moi, entourant ma taille de ses frêles bras, je la serre contre moi. Un policier m'ordonne de sortir, «-Elle a peur lui dis-je». Elle me regarde de ses yeux implorants, «- Viens avec moi, tu ne risque rien». Je m'extirpe comme je peux avec l'enfant collée à mon buste, on nous prend en photos. Je la prends dans mes bras pour monter dans le fourgon, elle est bien légère pour sa taille.

     

        Arrivés dans les locaux du commissariat, on nous fait entrer dans une grande salle. Tous ces gens autour de moi me donnent le vertige, je demande deux chaises, Poussin rose refuse de me lâcher. Questions et re-questions, vos papiers etc., j'ai l'horrible sentiment qu'on me soupçonne, j'ai un trac fou, au bord de la nausée, les larmes coulent sur mes joues, Poussin rose aussi a les yeux inondés. Soudain, je réalise qu'ils sont tous partis hormis une femme en uniforme assise prés de la porte. Je sens que l'enfant frissonne, elle a froid, moi aussi du reste, je le dis et quelques instant plus tard, on nous apporte une couverture, je nous entoure avec, il m'a semblé qu'elle respirait mieux. Avec ce qui me reste de raisonnement sensé, j'essaye d'imaginer ce qu'il va m'arriver, je vois l'avenir bien sombre et mon arrivée dans le Gers s'éloigner à grand pas.

       Deux policiers reviennent accompagnés par un couple. La femme se précipite sur nous et enlève la couverture, et on entend un long cri strident, qui a pour effet de figer tout le monde, je repousse la femme en disant: «-Elle a peur de vous madame!». Et je remets la couvrante. L'homme se met à me parler, je ne suis plus en mesure de continuer un interrogatoire, je regarde sa chemise en soie bleue qui doit bien valoir un mois de ma retraite et la femme avec un superbe tailleur, au moins trois mois de retraite. Je comprends qu'il s'agit des parents de la petite. Ainsi l'argent n'empêche pas le malheur!.

       Après avoir subi trois autres douzaines de questions, je tente d'expliquer: «-Un poussin, quand il sort de sa coquille, il prend le premier être vivant qu'il voit pour la mère et le suit. Un choc psychologique lui a fait tout oublier, provisoirement j'espère, et pour le moment, elle ne connaît que moi». «-Elle a raison, c'est exactement ça!». Une grande femme aux cheveux grisonnants était entrée. «-Je suis psychiatre, expert aux tribunaux». Ouf! Je vais enfin avoir une alliée pour me soutenir, il était temps.

       Je me trompai. Elle n’était pas là pour moi mais pour Poussin rose, elle a expliqué aux parents qu’ils devaient la laisser auprès de moi aussi longtemps que nécessaire. «-Mais c’est impossible, je suis à la retraite depuis ce matin et je vais dans le Gers». «-Alors, dit le père, si vous êtes retraitée, vous avez tout votre temps, vous allez venir chez nous et vous vous occuperez d’elle». «-Et bien dis-je, ce que je souhaite faire moi, ça n’intéresse personne?». «-Chère madame, la police recherche les auteurs du kidnapping, et vous verrez que chez moi, vous serez bien mieux qu’en prison». J’étais tellement suffoquée et indignée que je ne trouvais rien à répondre.

       Nous voilà partis dans une superbe limousine bleue foncée en direction de l'hôpital pour un examen clinique. Poussin rose n'a pas accepté de se laisser approcher, j'ai dû faire moi-même les gestes que le médecin demandait. Ensuite nous sommes allés dans la superbe résidence des parents, j'ai été accompagnée dans une immense chambre avec salle de bain le tout décoré de vert et de rose. Ouf, enfin un moment de repos, je vais enfin pouvoir aller aux toilettes sauf que poussin rose refuse toujours de me lâcher. Je vais devoir tout faire, y compris les gestes les plus intimes, avec cette enfant à mon coté. Pendant le repas, j'ai demandé grâce, SVP, plus de questions. Le père avait eu la délicatesse d'envoyer quelqu'un chercher ma Clio; ma valise m'attendait dans ma chambre, je devrais dire notre chambre, je tentais de m'endormir avec l'aide d'un tranquillisant, essayant d'oublier Poussin rose blottie dans mon dos.

       La vie s'est organisée peu à peu, tous les jours visite chez le psychiatre avec la maman, promenade dans l'immense parc de dix hectares avec "Flic", un berger allemand de 3 ans; lui seul avait le pouvoir de décrocher un sourire à la fillette.

       J'aimais ce parc qui était bien entretenu sur cent mètres mais qui se terminait dans un bois sauvage traversé par un ruisseau, un arbre mort servait de pont. J'incitais Poussin rose à cueillir les primevères et autres fleurs sauvages qui abondaient pour qu'elle les offre à sa mère, je faisais des bouquets de n'importe quoi pour tenter d'établir un lien entre elle et sa famille mais invariablement, dès que nous étions proches d'une personne, elle se recollait à moi, alors que seules, elle me lâchait pour sautiller autour de moi ou jouer avec Flic. Elle ne parlait toujours pas.

       Nous étions arrivés début mai, bien peu de progrès avait été fait, la police cherchait toujours les responsables de l'enlèvement mais l'enquête m'avais mise hors de cause. Personne ne pouvait m'obliger à rester, seule la tendresse que j'avais pour cette petite me retenait, j'aurai eu trop de remords de l'abandonner. Je vivais gratuitement dans une luxueuse demeure, mais ce n'était pour moi qu'une prison dorée.

       J'ai demandé à sa mère de nous suivre dans nos longues promenades quotidiennes au bois, à distance, pour qu'elle se rende compte de l'insouciance de l'enfant quand elle ne se sentait seule avec moi. «- Je le fais tous les jours!» Dit-elle. Je ne m'étais aperçu de rien.

       Un jour, les nuages se faisant menaçants, je décidais qu'il était prudent de rebrousser chemin. Nous arrivions prés de l'arbre qui nous servait de pont, la mère était là, elle avait grimpé sur une branche haute et avait du mal à redescendre, elle se démenait tant et si bien que la branche a cassé et un grand "plouf" s'en est suivi. «-Maman!» Je restais saisie un instant, Poussin rose avait crié!,  puis je me précipitais pour lui porter secours, elle était assise dans le ruisseau, elle pleurait et riait à la fois.

       Poussin rose avait enfin reconnu sa mère, encore quelques jours et je la laisserais à son destin parmi les siens retrouvés.
     C'est le 18 mai que j'ai repris ma route en direction du Gers.

       La liberté! La liberté oui mais aussi... LA SOLITUDE!. 

     

    Petite-Jeanne

     

        

    « Le Poussin rose (1)Apremont sur Allier (18) »
    Partager via Gmail Yahoo!

  • Commentaires

    15
    Dimanche 8 Mai 2011 à 11:10

    C'est un fait réel qui m'a donné le besoin d'écrire sur le sujet mais l'histoire est passablement revisitée.

    Merci Margareth et bon dimanche.

    14
    Dimanche 8 Mai 2011 à 10:54
    Surprenante histoire, que j'ai lue d'une traite. Si elle est vraiment inspirée d'un fait réel, je ne sais trop quoi en penser tant elle paraît surréaliste...
    13
    Dimanche 3 Avril 2011 à 09:18
    bon dimanche pas de billet sniff sniff big bises
    12
    Samedi 2 Avril 2011 à 20:10
    C'est par un magnifique soleil que je passe te souhaiter un bon week end.
    A bientôt
    11
    Vendredi 1er Avril 2011 à 21:12
    Poignante histoire très bien contée. Il fallait un choc émotionnel à cette enfant pour retrouver la mémoire... et rendre ainsi la retraitée à la solitude !
    10
    Jeudi 31 Mars 2011 à 13:12
    une belle histoire dont j'aime la fin
    bon jeudi
    bisous
    9
    Mercredi 30 Mars 2011 à 21:29
    Ta nouvelle est très belle. Tu as su ménager le suspense, et la fin est très réussie. Un grand bravo à toi ! Bisous
    8
    Mercredi 30 Mars 2011 à 14:59
    Poignant !
    Mise à nu du comportement humain après un choc psychologique ! Vibrant !
    Merci pour ce récit Petite-Jeanne.
    Grosses bises de Normandie. Jetelle.
    7
    Mercredi 30 Mars 2011 à 14:37
    Bonjour Petite Jeanne

    Bonne fin de journée et bonne soirée.

    Gros bisous ma belle !

    Marishka♥
    6
    Mercredi 30 Mars 2011 à 09:55
    coucou
    je rentre de vacances ! dur dur la reprise !

    cette histoire se termine bien , ouf !!!
    bonne journée ! bisous !
    5
    Mercredi 30 Mars 2011 à 09:46
    Une histoire qui vous remue...surtout le matin quand l'esprit est clair....
    4
    Mardi 29 Mars 2011 à 22:55
    Bonsoir Petite Jeanne j'ai du tout lire mais c'est une bien belle histoire et surtout elle se termine bien comme j'aime ! merci à toi. Bonne nuit. Mary
    3
    Mardi 29 Mars 2011 à 15:41
    jolie fin! merci de cette histoire. gros bisous Jeanne. cathy
    2
    Lundi 28 Mars 2011 à 19:00
    Bonjour Petite Jeanne
    Une très belle fin heureuse ! tant mieux !

    Un petit coucou en ce lundi pour te souhaiter une bonne journée et une bonne semaine.

    Gros bisous



    Marishka♥
    1
    Lundi 28 Mars 2011 à 18:16
    Quelle belle histoire surtout avec une fin heureuse !!!!tu nous a tenu en haleine super !!!big bises bon lundi
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :