• 15 La lessive au ruisseau

       Deux fois par an, il fallait faire la grande lessive. Une douzaine de draps, deux ou trois couvertures, torchons, serviettes, bleus de travail, linge de corps, la liste était longue. Tout d'abord, faire tremper "le blanc" pendant trois jours puis le faire bouillir dans une immense lessiveuse; j'étais émerveillée devant cette géniale invention. Sous l'abri à cochon, je surveillais le feu, et vérifiais que l'eau savonneuse remonte par le tube central et arrose le dessus du linge à intervalles réguliers; et ce pendant trois heures. Ce principe était très efficace pour laver le lin et le coton, les matières synthétiques n'étaient pas encore très courantes.

       Le jour venu, on chargeait la charrette de linges trempés, bouillis et d'autres secs avec un repas froid préparé la veille. puis on partait de bonne heure pour aller au lavoir qui se trouvait à environ quatre km. Mon père prenait souvent sa bicyclette, car pendant que ma mère lavait, il allait à Sauveterre faire quelques achats.

       Le lavoir public se trouvait en pleine campagne, on dételait les vaches (ou le cheval ou l'âne nommé Bourguiba) on les attachait sur le bord du chemin, il y avait toujours de l'herbe à brouter. Au début, c'était la grande récréation, Simon et moi partions à la découverte des alentours, mais très vite j'étais estimée assez grande pour être de corvée de rinçage en amont et ma mère en aval, lavait, lavait... toute une journée durant, à genoux sur des vieux chiffons qui nous protégeaient un peu de la dureté de la pierre. C'était un travail éreintant. De temps en temps, j'avais le droit de me reposer un moment mais surtout la fête, c'était le repas de midi: œufs durs, saucisson, pâté, poulet froid, fruits; ça changeait de la maison avec la traditionnelle soupe au pain que j'ai toujours détestée. A l'école, j'avais appris que ça s'appelait un "pique-nique" et j'en profitais le plus possible, grimpant sur des saules qui étaient dangereusement penchés sur l'eau. Vers quatre heures, il fallait repartir et à la maison, mettre tout ça à sécher. Chacune au bout d'un drap, on les tordait pour les égoutter le plus possible, et comme le fil à linge n'était pas assez grand, on coiffait tous les buissons des alentours, ça donnait un air de fête.

     


       Un jour, à l'école, j'ai eu une rédaction à faire, le sujet était: "-Racontez une sortie en famille". J'ai raconté une de ces journées, qui sont pour moi, malgré le travail, de très bons souvenirs. Catastrophe! j'ai obtenu un trois sur vingt.

       Je ne suis pas sûre d'avoir une meilleure note aujourd'hui, mais je ne suis pas là pour ça, toutefois, je demande votre indulgence.

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  • Commentaires

    4
    anches1
    Vendredi 1er Mars 2013 à 18:04

    j'aimais quand ma mère allait laver:c'était un lavoir dans un étang

    j'en profitais pour pêcher car en dehors des lessives, je n'étais pas autorisé à aller seul près de l'étang.

    3
    Lundi 4 Juin 2012 à 18:13
    Il m'est arrivé , vers les trois ans , d'accompagner ma grand'mère au lavoir . Je me souviens surtout du cancanage des laveuses !
    2
    Jeudi 9 Février 2012 à 20:35
    chez moi aussi le linge était lavé à la rivière
    les adultes lavaient pendant que nous les enfants nous jouions
    il me reste de cette époque de très beaux souvenirs.
    bien sur je ne vaoyais pas le côté fatiguant de tout ça
    bonsoir
    1
    Mardi 22 Septembre 2009 à 11:03
    Ici il n'y a pas de note. Disons que ce récit est passionnant. Toujours au Portugal, il y a vingt ans, le village dans lequel j'habitais n'avait pas l'eau courante, sauf dans mon quartier résidentiel. Parfois le matin, en me rendant au travail, je voyais des femmes rincer leurs draps dans la rivière avec de l'eau jusqu'aux genoux. Chez moi, sous un abri du jardin, il y avait un petit lavoir en ciment.
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