• 09 Les tantes

        Ma tante et mon oncle, Angélina et Alban, ont quitté Bordeaux pour s'installer à Villefranche, un petit trois pièces au centre ville.

       En souvenir de mon séjour à Bordeaux, ma mère ne manquait pas, chaque fois que c'était possible, c'est à dire les jours de foire à Villefranche s'il n'y avait pas école, de m'envoyer les saluer en me faisant des tas de recommandations, politesse etc... Je ne risquais pas d'être impolie car j'étais extrêmement timide envers les gens que je ne connaissais pas, je ne me souvenais pas de mon séjour chez eux, lorsque j'étais petite.

       Ils m'impressionnaient, lui, à cause de sa jambe de bois et elle, elle avait une petite voix douce. Ils étaient très contents de ma visite, j'avais droit à quelques biscuits et ils m'ont invitée à passer quelques jours chez eux, pendant les vacances.

      C’était pour moi un grand évènement, je ne me souvenais pas avoir dormi ailleurs que chez moi, j’étais toute tremblante, et malgré les conseils de ma mère, je ne savais pas comment me tenir. Alors je restais sagement assise sur une chaise et je les observais. J’avais pour seul exemple de couple que mes parents: ma mère criait, mon père se taisait. Je ne savais pas qu’il existait d’autre mode de fonctionnement et j’en faisais l’expérience. Leurs deux personnalités étaient tellement imbriquées, qu’on aurait cru que les deux ne faisait qu’une seule personne. Ils ne se séparaient jamais, même pour un bref instant, allaient partout ensembles, faisait tout ensemble. Quant l’un balayait, l’autre    prenait la pelle, l’un épluchait les légumes, l’autre les lavait, ils faisaient le lit à deux, lessivaient à deux,.. tout... tout et tout le temps. Parfois ils n’étaient pas du même avis, mais ils ne se disputaient jamais; ils se faisaient ‘la tête’ c‘était sans doute plus élégant. Pour éviter de se parler, se faisaient des gestes; ça ne durait pas bien longtemps mais ça les prenaient souvent. Je ne m’apercevais de rien et je pensais que ça devait être çà ‘l’amour’. Assise sur ma chaise, je ne bougeais pas, ils s'inquiétaient un peu et me disaient: « -tu ne t’ennuies pas? ». Non, je ne m’ennuyais pas, j’étais comme au théâtre car en effet, leur vie était théâtrale. Le plus surprenant (pour moi) c’est qu’ils s’embrassaient tout le temps, des baisers partout, les mains, les bras, le visage, les lèvres...

     

     J’avais déjà vu quelques jeunes gens amoureux mais des gens de l’age de mes parents, j’étais effarée, stupéfaite, je ne trouve pas de mots adéquats. Je pensais, dans ma petite tête d’enfant, que ce devait être ça, l’idéal de l’amour.

       Aujourd’hui, avec le recul de mon age, je pense que cette expérience, si l’on peut dire, a influencé ma vie affective. Je l’ai longtemps attendu ce prince charmant qui m’aimerait à chaque instant! Mais... où était-il?.

       Je sais aujourd’hui que leur vie n’était pas si idyllique, ils étaient... comment dire... très névrosés, mais l’enfant que j’étais ne le savais pas.

       Dix ans plus tard, Angélina est décédée. Mon oncle, fou de douleurs, n’a pu se résoudre à rester seul, quelques mois plus tard, il a épousé une femme recrutée spécialement par petites annonces. Hélas, avec cette deuxième épouse, l’osmose n’a pas eu lieu et il est mort de chagrin un an après Angélina. Sa deuxième femme, qui ne s’intéressait qu’à sa pension de guerre, n’a même pas eu la délicatesse de le faire enterrer là où il avait prévu: près d’Angélina, et n’a pas non plus prévenu sa famille. 

       C’était une coutume, les tantes s’occupaient de leurs nièces, elles devaient leur apprendre ce que les jeunes filles doivent savoir, les mères n’osaient peut-être pas aborder certains sujets. A cet effet, je devais me rendre régulièrement chez tante Louise, sœur de ma mère. Celle-ci avait fait un ‘beau mariage’ c’est à dire que son époux avait une grosse ferme. A 1h30 à travers bois, j’arrivais à "Lacour", commune de Sauveterre. Ma cousine, prénommée Germaine, qui avait l'age de ma sœur, s'occupait de moi et je dormais dans sa chambre. Pour que je ne m'ennuie pas, elle invitait une petite voisine qui était naine. Au début, je lui parlais comme à un tout petit enfant mais elle m'a fait remarquer que nous avions le même age donc je pouvais lui parler normalement. C'était la première fois (mis à part mon oncle) que j'avais un contact avec une personne physiquement différente. Elle était assez cultivée et cette rencontre m'a été très bénéfique, j'en garde un excellent souvenir.

       J'ai eu une autre tante, Maria, qui n'avait pas d'enfant et à la fin de sa vie, elle a eu un cancer. Elle était veuve; ne voulant pas "finir à l'hôpital" elle est venue chez nous. Elle souffrait terriblement et délirait. Elle voyait des chats partout et elle me demandait de les chasser. Je ne comprenais pas que l'on puisse voir quelque chose qui n'existait pas. Pour une fois ma mère m'a bien expliqué et je me suis exécutée de bonne grâce; Je priais les chats imaginaires d'aller chasser les souris dans le grenier. Le docteur venait de temps en temps, lui faisait une injection de morphine, elle se calmait quelques heures. Elle est nous a quitté quatre mois plus tard, dans d'atroces souffrances. C'est là que j'ai compris que la mort pouvait être un soulagement.

    Un autre jour, à Lafageole,  j'étais seule à la maison et j'entends le bruit d'une auto. C'était tellement rare que je me précipite dehors.

    Je vois une quatre chevaux Renault s'arrêter dans le chemin, la même que ma voisine Adrienne mais en plus rutilante encore! Au volant, une très jeune fille et deux autres personnes plus âgées, je ne connaissais pas, vêtues, me semblait-il d'un grand chic!

    Je n'osais plus bouger, la dame plus âgée vient vers moi me dire bonjour et me dit:

     - Je suis ta tante Marie...

     Je savais qui elle était: c'était la plus jeune sœur de ma mère. J'en avais beaucoup entendu parler, elle vivait en Algérie. Mon frère André avait fait son service militaire tout près de chez eux, il avait eu la chance, par rapport aux autres soldats, d'être “dorloté” par la tante.

     Ma cousine Christiane devenue institutrice a travaillé toute sa carrière à Caen (Calvados) puis et à la retraite est revenue dans la région d'origine de son père: Pyrénées Orientales.

     Nous nous sommes longtemps demandé comment cette tante avait rencontré son époux qui vivait si loin de chez nous.

     C'est le 09 avril 2011 que j'ai trouvé la réponse.

     En effet c'est ce jour-là que nous avons fêté dans la joie et la bonne humeur les 100 ans de Marie à Sainte Marie La Mer (66).

     Réunion familiale au restaurant puis réception en grandes pompes (avec la presse locale) à la maison de retraite où elle réside, le maire nous a expliqué:

      Pour échapper aux travaux agricoles, Marie a rejoint Bordeaux pour être ‘‘bonne à tout faire’’ dans une famille bourgeoise de la viticulture qui l'a emmenée en Algérie pour garder leurs enfants. Et c'est là qu'elle rencontre le jeune et beau Julien, gardien de la paix, qui deviendra mon oncle.

     



     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 20 Septembre 2009 à 12:12
    Les relations de votre oncle et de votre tante ressemblent à celles de mes parents. A la maison jamais je n'ai vu de scènes de ménage.
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