• 08 Simon

       Simon a été un petit garçon intrépide et casse cou, un " Mac Gayver"en herbe. Ma mère était désespérée d'avoir un enfant si turbulent, têtu et imperméable aux punitions. Il n'en faisait qu'à sa tête et sa tête fourmillait d'idées toujours plus originales. Quand il avait fait une bêtise, ma mère qui avait renoncé à le poursuivre, lui disait: « -t'a traparaï à là choupo! -je t'attraperais à la soupe ». Souvent elle oubliait mais parfois, à table, Simon recevait un coup de louche ou de tout autres objets. 

       Il avait inventé un jeu qui consistait à ''faire des sauts en parachute'', sans parachute il va de soi, : il grimpait sur une "codre" qui est une repousse de châtaigner. A 8 ou 10m de haut, l'arbre pliait et lorsque ses pieds étaient à 2m du sol, je devais dire: "lâches". Ainsi il sautait et faisant un roulé-boulé en dégringolant le talus. Un jour, j'en avais assez de ses ordres, j'ai dit "lâches" beaucoup trop tôt, il a pris une très grosse gamelle, il avait du mal à se relever; prise de peur, je me suis enfuie à la maison. 

       Il se gardait bien de se vanter de ses exploits. Un jour; mes parents étaient absents, il a pris le fusil de mon père et a décidé de faire un ball-trap. Munie d'une vieille bassine, perchée sur un tertre, je devais la jeter en l'air et Simon tirait dessus un ou deux coups selon comme elle était haute. Il va sans dire que je me trouvais en première ligne, mais le drame n'a jamais eu lieu. J'ai été chargée d'enterrer la bassine et les cartouches vides avant le retour des parents.

       Car, quand il s'ennuyait, j'étais son souffre douleur et sa domestique. Souvent, pour me punir, je devais chercher des petits cailloux bien ronds pour sa fronde; il allait jusqu'à me faire avaler un ver de terre et il ajoutait: « -Un ver de terre est un délice pour les jolies poulettes ». Quand il dépassait vraiment les bornes, je lui disais: « -Je vais dire à maman que tu m'as fais mal aux hanches! ».Le retour du mal aux hanches était une obsession pour elle, elle se mettait dans de furieuses colères et lui tapait dessus avec n'importe quoi. Mais j'évitais d'en abuser et en usais seulement dans les cas graves. Il inventait des chansons avec des paroles qui étaient censées me terrasser, l'une disait:  "-Tu n'es qu'un maillon de la chaîne  -Un moment de vie ou de mort  -Un moment ou je t'enterre et c'est fini...".    

      Il était passionné par la mécanique et chaque fois qu'il avait l'occasion de voir une auto de près, il harcelait le propriétaire de questions. Un jour, après avoir réuni un grand nombre d'objets et matériaux hétéroclites, il a décidé de construire -sa- voiture. Il y a passé plusieurs mois mais tout y était: pédales, volant, levier de vitesses, de freins, le rétro était fait avec un couvercle de boite de conserve cloué sur une tige en bois et, sous un sommaire capot, un enchevêtrement de fils de fer avec des bougies. C’était une camionnette ouverte derrière, je jouais à l’épicière, il était mon chauffeur, faisait un bruit de moteur sans oublier les changements de vitesses et le klaxon fait avec une vieille trompète. 

       Personne n’avait de pouvoir sur lui et cela a duré toute sa vie. Le grand-père le détestait à cause de ça, son autorité légendaire ne servait à rien.

       A quatorze ans, après le certificat d’étude primaire, il est parti travailler dans une grosse ferme du coté de Prayssac, un vigneron qui avait deux fils, n’a pas voulu le garder car il dévergondait trop ses enfants. De très nombreuses années plus tard, j’ai revu cette ferme, ferme devenue ‘château de la Grèze’. Les deux fils sont devenus riches, leur cru de vin de Cahors est très connu.

    Mon frère Jean, de dix-huit ans mon aîné, c’est marié jeune ce qui fait qu’à deux ans de demi j’étais déjà tante, puis tous les deux ans d’autres arrivaient. Ils venaient de temps en temps passer un dimanche à la maison, ma mère faisait souvent un gros poulet à la cocotte et la célèbre ‘‘anguille’’, c’était un gâteau aux pommes cuit en rond dans la tourtière sous la braise, copieusement arrosée de marc.

     J’aimais ces dimanches-là, au lieu d’être la petite sœur, je devenais la ‘‘grande’’, je surveillais ces petits et j’initiai Marie-Claude à mes jeux, à l’intérieur du gros buis, la cabane était naturelle. Simon ne s’intéressait pas à la marmaille, il préférait écouter les bavardages des adultes, ce qui m’arrangeait beaucoup.

     

     Un jour, mes neveux et moi étions réunis, sous la sapinette, tout près de la petite mare à canards, Marie-Claude tenait absolument à jouer au bord de l’eau, je ne voulais pas, c’était trop dangereux, les petits pourraient tomber dedans. Elle a tellement insisté que j’ai fini par accepter et ce qui devait arriver arriva: Georges tombe dans l’eau. Marie-Claude court vers la maison en appelant sa mère, pendant ce temps, j’entre dans la mare et sort mon neveu de l’eau, quand ma belle-sœur est arrivée, il était déjà sorti, Jojo en pleurs, dégoulinant d’eau boueuse. Sa mère a pris une grosse colère contre moi, probablement parce que j’étais la plus vieille, pour avoir joué trop près de l’eau et ainsi avoir pris des risques inutiles. Je lui en ai voulu très longtemps de cette immense injustice: je ne voulais pas jouer à cet endroit, de plus, j’ai rapidement sorti le petit de l’eau, il n’aurait jamais pu tout seul. Marie-Claude, que j’estimais responsable, s’en est sortie avec les honneurs pendant que j’étais bannie !

     

     Avec mon sauvetage non reconnu, ma gloire méprisée et piétinée, j’ai ruminé ma rancune contre ma belle-sœur qui, décidément ne comprenait rien, pendant bien des années.

    Ce n’est qu’à l’âge adulte que j’ai pu enfin lui pardonner…

     

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  • Commentaires

    5
    marmota
    Mardi 13 Novembre 2012 à 23:26
    je suis montée dans cette voiture sous la sapinette
    4
    Jeudi 8 Mars 2012 à 18:37

    Merci Jeanne de l'interet que tu porte à mon histoire...

    Oui, il avait 3ans et demi de plus que moi, et il m'en a fait voir de toutes les couleurs!... Je parle au passé car il est décédé à l'âge de 45 ans d'un cancer de la plèvre. Je lui ai tout pardonné depuis bien longtemps!!!. 

    3
    Jeudi 8 Mars 2012 à 18:09
    Ah!!! ces beaux souvenirs d'enfance !je suppose qu'il était plus grand que toi !!
    Excuse moi !!mais "le ver de terre pour les jolies poulettes"m'a bien amusé , quel horreur !!!!! j'imagine que cela ne devait pas être le cas pour toi !
    Je lirai la suite demain dommage j'aurais bien continué à lire !!Il faut que j'aille préparer le repas du soir ,certainement pas des vers LOL!!!
    Amitiés
    2
    Vendredi 12 Février 2010 à 22:26
    Ah ces souvenirs d'enfance... cela me rappelle les récits de mes parents et grands-parents, tous très différents... Des romans familiaux parfois plus qu'une véritable histoire familiale mais elles font partie de ce avec quoi on grandit...
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    1
    Lundi 26 Octobre 2009 à 16:57
    Bonjour Jeanne,
    Ton frère n'a pas toujours été tendre avec toi.
    Vous aviez aussi des moments de complicité, comme quand tu jouais à l'épicière et c'était ton chauffeur.
    Bonne fin de journée
    Bises
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