• 03 Mes premières années

       Lorsque j'étais bébé, ma mère s'est aperçue (l'expérience l'aidant) que je ne tenais pas mes jambes normalement. Le Moment de marcher venu, je ne tenais pas debout, il était donc clair que j'avais un grave problème, comme mon grand-père, une luxation congénitale des hanches. Ils ont décidé de me faire soigner à Bordeaux par un grand spécialiste. Aidés de mon frère André, ils se sont donc "saignés aux quatre veines". J'ignore s'ils étaient assurés sociaux à l'époque mais çà leur a coûté très cher.

      Par chance ma mère avait un frère Alban T......, pensionné de la guerre de 14/18, il n’avait qu’une jambe, mais pouvais se déplacer grâce à une prothèse en bois. Il habitait Bordeaux avec son épouse Angélina.

    Mes parents pouvaient donc loger chez eux et ma tante qui n’avait pas d’enfants s’est attachée à moi, venait à l’hôpital et écrivait à mes parents pour donner des nouvelles, car mes parents ne pouvaient pas rester absents longtemps, la ferme les réclamait. Je suis restée de longs mois à l’hôpital, les jambes fixées dans une atèle. Je ne me souviens de rien. 

      Mes premiers souvenirs, j’avais environ trois ans, je marchais et je devais faire de l’exercice. Mon grand-père et André m’ont installé un petit vélo sur un socle en bois et une demi-heure matin et soir, je pédalais dans la cuisine, la roue arrière tournait dans le vide, ça m’amusait beaucoup, j’étais le point de mire de la famille. Mais la marche me faisait souffrir et je me souviens de Simone qui avait dix ans de plus que moi, je la harcelais en lui disant « Hope! Nana » et elle me prenait sur sa hanche.

       Le temps a passé, ma sœur s’est mariée à l’age de quinze ans et demi, Mon grand-père nous a quitté à la même époque. Très tôt, j’ai été passionnée par les animaux, je passais de longues heures à les observer, je leur donnais des noms et leur parlais en grand secret car Simon ne manquait pas de se moquer de moi. Je voulais assister aux naissances et m’occupais des poussins, poulets ou canards, et plus tard les brebis.

     J’ai eu une vraie passion pour les brebis, elles répondaient toutes à leur nom, j’avais toujours les poches pleines de pain et distribuais les récompenses avec une caresse. J’apprivoisais facilement les agneaux femelles, celles qui devaient rester pour renouveler le cheptel, je laissais les mâles a leur triste sort, direction les abattoirs. Avec des « brrrr » et des « bèno-bèno-bèno » je partais par les sentiers, les bois, les champs ou les prairies selon la saison, quelquefois accompagnée de l’âne, il s’appelait Bourguiba. J’avais dressé une petite chienne à faire le tour du troupeau pour les regrouper.

    Il y avait bien une chienne, qui s’appelait ‘‘La Papie’’, très bien dressée mais elle n’obéissait qu’à ma mère. Aussi un jour elle me dit de garder un petit, de m’en occuper seule pour enfin la dresser. C’est La Papie qui m’a appris ce qu’est la fidélité. Chez des voisins il y avait un chien ‘‘Le Bichou’’ qui nous rendait visite régulièrement pour connaitre d’était de sa compagne. Si elle était en chaleur, il l’entraînait  à l’écart pendant le temps nécessaire. Bien sûr,  d’autres chiens venaient tenter leur chance mais ils étaient invariablement rossés, d’abord par La Papie et ensuite pas Le Bichou : elle n’acceptait que lui. Elle a vécu très longtemps, à la fin de sa vie, elle avait creusé une niche dans un grand tas de paille, ma mère lui apportait à manger puis un jour elle a disparu, nous n’avons jamais su où elle est allée mourir.   

      Je ne me sentais jamais seule, tous les animaux étaient mes amis et je nous inventais des histoires.

      L’été on les sortait matin et soir mais l’hiver, une seule fois par jour avec du foin en plus dans l’étable. Quand il y avait de la neige, je les emmenais dans un sous-bois, je grimpais aux arbres couverts de lierres et cassais de grandes branches d’un vert sombre.

      L’hiver donc, je ne pouvais m’en occuper que les jeudis et les dimanches car le chemin de l’école étaient bien long, je partais à la pointe du jour et revenais presque à la nuit. 

    J’ai assez peu de souvenir de ma petite enfance, sauf que j’avais une poupée qui s’appelait Marie-Jeanne. C’est moi qui l’avais nommée ainsi: Marie comme ma mère, Jeanne comme moi, intéressant en psychanalyse, je n’y pense qu’aujourd’hui. Un jour d’hiver, je jouais dans le cantou et ma poupée m’a échappé dans le feu avec un grand « flouf » ma sœur était là, elle m’a empêchée d’entrer dans les flammes pour aller la chercher. J’étais inconsolable, j’ai pleuré des jours et des jours si bien que Simone est allée à Villefranche pour en acheter une autre, c’était très gentil mais ce n’était pas Marie-Jeanne. Plus tard, André faisait son service militaire en Algérie, lors d’une permission, il m’a apporté un joli poupon tout nu, j’ai pleuré tout de suite, je ne voulais pas qu’il soit tout nu, il a fallu lui faire une tenue et ma mère en a profité pour me faire admettre que je devais apprendre à tricoter pour le vêtir. C’est ce que j’ai fais, il a eu un beau costume bleu.

      J’ai donc eu de la chance d’avoir eu ces jouets. Pourtant à chaque Noël, j’espérais que le père Noël m’apporterait quelque chose, on me disait qu’il fallait être sage et bien apprendre à l’école. Je faisais de mon mieux  mais il n’apportait qu’un kg d’oranges à partager avec mon frère et parfois un sachet de 100g de crottes en chocolat.

      Début janvier, le maître nous demandait de raconter notre Noël et nos cadeaux. J’écoutais les enfants et je bavais de jalousie. Des cancres avaient de si beaux cadeaux! Quelle injustice! . Alors j’inventais les cadeaux et la famille idéale. Jusqu’au jour où, (j’étais très grande) .dans l’armoire de ma mère, j’ai trouvé le kg d’oranges qui attendait Noël. Ainsi le père Noël n’existait pas! C’était la bourse des parents qui faisait la qualité et la quantité des cadeaux. J’étais soulagée mais je trouvais stupide de mentir aux enfants, car comme tous les enfants, je croyais être la seule à bien mentir.

     



     

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  • Commentaires

    6
    Vendredi 12 Février 2010 à 22:37
    Je connais une famille qui dit que le père noël ne passe pas partout, seulement chez les enfants dont les parents ont de l'argent. L'école est un vrai lieu de souffrance pour les inégalités.
    Le feu m'est évocateur. Lorsque j'étais petite (trois ans, je crois), il y a eu un incendie chez ma nourrice, je me souviens des jouets dans le feu. ça a été la cause de ma phobie du feu pendant longtemps. Et mon prof de physique qui me demandait comment j'allais faire si je n'étais pas capable d'allumer un bec bensen... Pas vraiment prise au sérieux alors même que je faisais tout le reste. Il ne fallait juste pas me demander de craquer l'allumette. De toutes façons, elle pouvait dire ce qu'elle voulait, une phobie est une phobie, il n'y avait rien à faire.
    5
    Vendredi 9 Octobre 2009 à 11:33
    Je continue la lecture de ton histoire.
    Nous n'avons malheureusement pas tous la même enfance.
    Je te vois heureuse quand même au milieu des animaux, malgré ces Noël tristes où l'on attend désespérément un petit cadeau.
    Et cette poupée au nom de Marie-Jeanne, que l'on ne peut remplacer.
    Merci Jeanne.
    Je t'ai également mise dans mes favoris.
    Bon vendredi
    Bises
    4
    Lundi 26 Mai 2008 à 09:07
    Merci Camomille pour ta visite.
    3
    Vendredi 23 Mai 2008 à 08:26
    Moi aussi j'étais très proche des animaux. Ils étaient mes amis. C'est le lot des enfants qui sont isolés par la maladie et ne peuvent cavaler avec les autres. Mes soeurs se sont beaucoup moquées de moi. Les poules et les canards répondaient à leurs noms... Heureusement que j'avais ces animaux. Je serais devenue aigrie et égoïste sans eux.
    2
    Jeudi 1er Mai 2008 à 00:20
    Merci à toi et à bientôt.
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    1
    Mercredi 30 Avril 2008 à 23:02
    Merci petite-jeanne pour ton passage et ton commentaire! ma mère s'appelle marie-jeanne, comme ta poupée. je connais un peu le périgord noir! Bisous à toi !!!!!
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